La méditation de pleine conscience : un pont entre tradition et modernité

De plus en plus populaire ces dernières années dans nos sociétés occidentales, la méditation de pleine conscience, traduit de l’anglais « mindfulness », existe depuis des milliers d’années et constitue la pratique de base des différentes méditations bouddhistes.
En 1979, Jon Kabat Zinn, professeur de médecine à l’Université du Massachussets, docteur en biologie moléculaire, introduit cette pratique dans les hôpitaux avec l’idée assez originale que la méditation pouvait aider les occidentaux à gérer leur stress sans qu’ils deviennent forcément des adeptes de la tradition bouddhiste. L’objectif est alors de développer la méditation de pleine conscience en complément des traitements médicaux (médecine intégrative). Il crée pour cela un programme de réduction du stress et d’entrainement de l’attention appelé MBSR (Mindfulness Based de Stress Reduction). Les premiers patients concernés par la création de ce programme sont des personnes souffrant de douleurs persistantes et non améliorés par le traitement médical. Les bénéfices constatés sont multiples, notamment sur le rapport des patients avec la douleur et sur l’amélioration de leur qualité de vie. Ces bénéfices interviennent très tôt dans la pratique, nul besoin d’être un méditant de longue date pour en ressentir les bienfaits.
Depuis ces premières expériences, les pratiques méditatives ont fait une irruption remarquée dans le champ de la médecine, de la psychologie clinique et de la psychiatrie. Des recherches cliniques rigoureuses ont permis d’en confirmer l’efficacité et leur place dans le champ des psychothérapies.

Méditation, neurosciences et plasticité cérébrale

Grâce aux neurosciences et aux progrès de la neuroimagerie, il est désormais possible de connaître les zones du cerveau activées lors d’une session de méditation : on peut ainsi observer l’activité des zones responsables de la perception, de l’attention, des sensations corporelles mais également celles de la gestion de la mémoire, du stress et de l’empathie. Le conscience de soi et des autres ou encore la régulation émotionnelle sont également concernées. Selon le Dr Antoine Lutz, directeur de recherche INSERM à Lyon qui étudie les bases neurophysiologiques des états de méditation, cette pratique provoque des changements fonctionnels dans le cerveau et induit une réorganisation de l’activité neuronale (plasticité cérébrale). De ce fait, on peut entraîner certaines régions de notre cerveau comme on fait des exercices pour développer sa musculature.

De quoi s’agit-il ? Attention, ouverture, présence…

« La pleine conscience est un état de conscience qui résulte du fait de porter son attention, délibérément, au moment présent, sans juger, sur l’expérience qui se déploie moment après moment » Jon Kabat-Zinn. C’est donc un état qui est opposé au fonctionnement habituel dit « pilote automatique ». Le seul objectif est donc de rester présent à l’instant…ou plutôt de ramener tout doucement, avec bienveillance et inlassablement son esprit au moment présent. Elle vise alors à devenir l’observateur attentif de ses phénomènes mentaux, corporels et émotionnels sans chercher à peser sur leur déroulement. Ce processus favorise l’acceptation de ce qui est en train de se passer. Méditer ne signifie donc pas prendre congé avec la réalité, ni arrêter de penser : il n’y a pas d’interrupteur et on n’éteint pas son esprit comme on éteint une lampe…

Méditation, pleine conscience et psychothérapie

La méditation n’est pas juste une technique mais une manière d’être et une façon de voir qui recèle de profondes implications pour la compréhension de la nature de notre esprit et de notre corps (Kabat-Zinn). Aujourd’hui, certains considèrent cette « pleine conscience » comme une compétence psychologique à part entière (Shapiro, Carlson, Astin et Freedman). Cette pratique permet de développer des capacités de régulation émotionnelle et attentionnelle, ce qui justifie son intégration dans des protocoles psychothérapeutiques. La méditation de pleine conscience produit un effet bénéfique et expérimentalement validé dans plusieurs conditions psychopathologiques en agissant probablement sur des éléments cognitifs, comportementaux mais aussi émotionnels.

Pleine conscience, bienveillance et empathie

D’autre part, l’intérêt de ces pratiques est aussi à souligner du côté de ceux qui « prennent soin ». En effet, comme le souligne Matthieu Ricard, « comment un professionnel des soins peut-il préserver l'ardeur de son empathie pour autrui tout en gardant intacts le courage et l'optimisme dont il a besoin pour aider ses patients » ? Pour le professionnel souvent confronté, au travers du vécu des patients, à des émotions intenses, la pratique peut offrir un espace où rester en présence avec ce vécu sans avoir recours immédiatement à la réponse plus automatique que pourrait être la résolution de problèmes (Christopher et al., 2010; Crane et al., 2006). S’entraîner à la méditation par une pratique personnelle permet une expérience « en soi » qui participe à améliorer la qualité de la relation soignant-soigné en augmentant d’une part les capacités de compassion et d’empathie et en réduisant d’autre part les risques d’épuisement professionnel.

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